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Droit d’alerte

Le droit d’alerte est l’un des leviers dont dispose le Comité Social et Économique (CSE) pour exercer pleinement son rôle de vigie sociale, économique et environnementale au sein de l’entreprise. Il permet aux représentants du personnel de signaler officiellement une situation anormale, un risque avéré ou une dérive potentielle, en obligeant l’employeur à s’expliquer et, si nécessaire, à agir.

Un droit structuré en plusieurs volets : les différents types de droit d’alerte

Le Code du travail distingue plusieurs types de droits d’alerte, chacun encadré par des procédures spécifiques :

  1. Le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes : l’article L.2312-59 du Code du travail permet au CSE d’intervenir lorsqu’un salarié semble subir une discrimination, une atteinte à sa dignité, une situation de harcèlement, ou toute atteinte aux libertés individuelles dans l’entreprise. L’alerte peut déclencher une enquête interne avec l’obligation pour l’employeur de répondre par écrit.
  2. Le droit d’alerte économique : si le CSE identifie des signaux faibles de difficultés économiques (baisse d’activité, retards de paiement, sous-investissement…), il peut activer ce droit prévu à l’article L.2312-63. Cela déclenche une procédure formelle, pouvant aller jusqu’à la saisine du commissaire aux comptes ou l’établissement d’un rapport économique par un expert-comptable.
  3. Le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent : dans le champ de la santé, sécurité et conditions de travail, tout membre du CSE peut exercer un droit d’alerte lorsqu’un risque immédiat pour la santé ou la vie d’un salarié est constaté (article L.4131-2). Cela implique un signalement écrit et une réunion en urgence avec l’employeur.
  4. Le droit d’alerte en matière d’environnement : depuis la loi Climat et Résilience (2021), le CSE peut également déclencher un droit d’alerte lorsqu’il constate un risque grave pour l’environnement, dans ou par l’activité de l’entreprise. L’objectif est de favoriser une démarche de prévention environnementale.
  5. Le droit d’alerte en cas de recours abusif au CDD ou à l’intérim : le CSE peut alerter l’employeur (article L.2312-59) s’il estime que l’entreprise ne respecte pas la réglementation encadrant les contrats précaires. En l’absence de réponse satisfaisante, il peut saisir l’inspection du travail.

Une procédure encadrée et stratégique : déclencher un droit d’alerte

Dans tous les cas, le droit d’alerte suppose :

  • Une constatation écrite et motivée par un membre du CSE
  • La notification formelle à l’employeur
  • Une demande de réunion exceptionnelle, selon les délais fixés par la loi
  • Le droit d’être assisté par un expert habilité, notamment en cas d’alerte économique ou environnementale

L’employeur a l’obligation de répondre aux interrogations du CSE et de proposer des actions correctrices ou justificatives. Le CSE peut également inscrire l’alerte à l’ordre du jour d’une réunion plénière, voire saisir des organismes extérieurs (inspection du travail, commissaire aux comptes, etc.).

Pourquoi activer un droit d’alerte ?

Le droit d’alerte permet au CSE d’anticiper les crises, de protéger les salariés, de préserver l’activité et d’agir avant que les problèmes ne s’aggravent. Il ne s’agit pas d’un outil de confrontation, mais d’un moyen structuré de dialogue social, inscrit dans la loi, qui vise à renforcer la transparence et la responsabilité collective dans l’entreprise.

Qui peut déclencher un droit d’alerte ?

  • Un membre élu du CSE, pour l’alerte danger grave et imminent
  • Le CSE en tant qu’instance collective, pour les autres types d’alerte, à la majorité des membres présents lors d’une réunion

L’employeur peut-il refuser de répondre à un droit d’alerte ?

Non. L’employeur a l’obligation de répondre dans un délai raisonnable et de fournir des explications. En cas de refus ou d’absence de réponse, le CSE peut saisir l’inspection du travail, les tribunaux, ou demander l’intervention d’un expert.

Un droit d’alerte peut-il remettre en cause une décision de l’employeur ?

Indirectement, oui. Si l’alerte met en lumière une irrégularité, un manquement ou un risque, elle peut entraîner des modifications de décisions, des mesures correctrices, voire des sanctions en cas de faute avérée.

Est-ce que le droit d’alerte peut être utilisé à tort ?

Oui, s’il est utilisé sans fondement ou de manière abusive, cela peut fragiliser le dialogue social et nuire à la crédibilité du CSE. Il est donc essentiel que le déclenchement soit justifié, documenté et encadré par la procédure légale.

Quelles sont les conséquences concrètes après un droit d’alerte ?

  • Réunion exceptionnelle avec l’employeur
  • Rédaction d’un procès-verbal ou rapport
  • Possibilité de faire appel à des experts
  • Déclenchement de négociations, de correctifs, ou de procédures externes (inspection du travail, justice…)